
Françoise Pinchaux Sorin – Le souffle du réel
Une enfance où tout s’observe
Françoise Pinchaux Sorin est née à Paris en 1952, de parents ouvriers : une mère couturière et un père travaillant le plomb fondu, (linotypiste – métier aujourd’hui disparu). Elle grandit dans une fratrie de quatre enfants, dont elle est la troisième, avec deux frères et une soeur. Dès l’enfance, elle observe tout : les gestes, les objets, les ombres, les silences. Elle capte le réel sans le juger, avec une curiosité tranquille et un regard déjà très affûté. Cette capacité d’attention, discrète et constante, sera plus tard l’empreinte de sa peinture. La curiosité, la soif d’apprendre et de connaissances seront omniprésentes. Et Françoise fera naitre progressivement sa fibre artistique sans même le savoir.
Une médecin, toute une vie
Après le baccalauréat, Françoise Pinchaux Sorin entame des études de médecine. Elle deviendra médecin généraliste, et exercera durant toute sa carrière, sans interruption, cette profession.
En soignant et en accompagnant tous ses patients c’est ainsi qu’elle les rassure. Elle est là, attentive et concentrée et prend le temps d’écouter, et de veiller sur sa patientèle. Ce travail du quotidien, fait de silences et de confiance, façonne un lien particulier au monde, une rigueur douce, une manière de regarder qui ne quitte jamais l’essentiel.
Quand le geste arrive
Enfant, elle aime déjà dessiner mais son premier souvenir artistique arrive au lycée : une amie l’entraîne à un cours de dessin. Elle y découvre le tracé à la plume, la gouache, le plaisir de créer, et surtout, celui d’offrir ce qu’elle fait. Ce premier éveil artistique restera gravé à tout jamais dans sa mémoire. Elle nous dira que les études de médecine puis l’intensité de sa vie professionnelle et familiale prennent toute la place ainsi le dessin s’éclipse sans s’effacer.
Au début des années 90., un ami lui prête une boîte d’aquarelle et là Françoise se rend compte que le plaisir de la création et du jeu avec les couleurs revient instantanément. Elle s’inscrit à un atelier où s’enseigne l’aquarelle sèche, puis suit d’autres cours, d’autres stages. Elle explore la mine de plomb, le fusain, l’encre, le pastel, l’huile alla prima. Elle aiguise son regard, affine son geste. Peu à peu, ses préférences s’imposent. Elle travaille le portrait, le nu, le paysage, les objets du quotidien.
Peindre n’est pas pour elle une activité secondaire, c’est une nécessité. Elle peint ce qu’elle voit, sans attente ni prétention. Juste pour ce plaisir profond : celui du trait, de la couleur, du silence habité.
Le réel comme tremplin
Un citron, une cafetière, une fleur fanée, une courge sur une table, une dame-jeanne dans un coin d’atelier. Elle peint ce qui est là. Ce qu’elle voit, ce qu’elle sent, ce qui l’appelle. Elle ne cherche pas à illustrer. Elle fait vibrer, elle dépose Elle capte les vibrations invisibles du réel et, par son pinceau, elle donne forme à l’indicible. Ainsi, elle peint des silences, des absences, des résurgences qui échappent au regard pressé. Son geste, quant à lui, est à la fois ancré et éthéré, car il dialogue avec ce qui se tait.ne présence, un silence, un souffle.
Un lieu à rebâtir, un ciel à habiter
Avec Patrick, son mari passionné de cyclisme, Françoise achète en 2009 une maison à Saint-Pierre-de-Vassols, près du Mont Ventoux. Il s’agit d’un lieu à leur image, simple, solide et chaleureux, comme le sont souvent les maisons du Sud. Dès lors, ce nouveau foyer devient bien plus qu’un lieu de vie : il devient un refuge. En effet, c’est sous le ciel du Sud que Françoise et Patrick trouvent une forme d’apaisement et de profondeur. Tantôt à Marseille, tantôt dans leur maison de Provence, ils partagent leur temps avec un équilibre serein. Elle aime particulièrement le mistral, ce vent typiquement provençal au souffle célèbre et presque mythologique. Selon elle, le mistral efface les contours du monde, il le simplifie, le rend plus léger. Ainsi, Françoise oppose le ciel de Paris, qu’elle trouve dense et écrasant, à celui de Provence, qui, après le mistral, devient impalpable, presque sans consistance. Elle confie que ce ciel lui laisse une impression bleutée d’infini, une transparence vibrante qui l’inspire et la relie au silence.
Une vie reliée, par petites touches
À Marseille, Françoise s’investit dans l’association AVF, qui accompagne les personnes nouvellement arrivées dans la ville. Grâce à son engagement, elle les aide à trouver leurs repères et leur offre, au travers de l’atelier de dessin qu’elle anime, une présence sensible, douce et accueillante. Parallèlement, elle veille sur ses trois petites-filles, deux à Paris, une à Melbourne. Avec tendresse et constance, elle leur transmet l’art de s’attarder, de regarder autrement, d’observer ce qui se cache derrière le visible, et d’apprécier les détails du monde.
Par ailleurs, elle lit Alexandre Jollien, un auteur dont elle chérit profondément Le métier d’homme, un livre qui la guide et l’interroge, tout en l’accompagnant dans sa réflexion sur la vie. Elle aime aussi les musées, les films qui remuent, les dessins animés pleins de grâce, les livres qui posent des questions essentielles, ainsi que les musiques qui transportent au-delà des mots. Dans son quotidien, elle jardine, elle cuisine, elle marche dans la mer, suit des fourmis, met son nez dans une fleur. Rien ne lui échappe, car tout, pour elle, mérite d’être regardé, senti, vécu pleinement. Ainsi, chaque geste simple devient un acte poétique, une manière d’habiter le monde avec douceur et intensité.
Le souffle du réel
En juillet 2025, l’Espace Jouenne accueillera ses toiles. L’exposition s’intitulera Le souffle du réel. On y verra des paysages, des objets, des bouquets, des natures mortes, habillés de lumière. Rien de spectaculaire, mais tout est là et tout est dit. La densité d’un regard posé sur les choses, la justesse d’une présence, la musique d’un silence, une peinture sincère, qui ne cherche rien, sinon à vous toucher.
Et ce mot de la fin, en forme de vœux
« Faire vibrer longtemps encore cette part d’enfant qui me fait m’émerveiller devant des choses simples. »
JR